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Page:Nadar - Quand j'étais photographe, 1900.djvu/162

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avoir gardé une larme ; ils étaient à jamais secs et durs. Ce qui à trop souffert en une fois défie toute autre souffrance. Assurément il y avait eu là et il restait une passion profonde, absorbante, unique, ce qui ne peut ni ne veut être consolé. Désormais ces yeux d’Érèbe ne devaient plus regarder qu’en dedans, — à jamais fixés sur Celui qu’on ne remplace pas…

L’autre, la mère, manifestement : un décalque des traits de la fille, les années en plus. — Mais c’était tout. — La morne gravité, l’abattement attractif du regard de la jeune femme prenaient dans les prunelles d’acier de la mère un caractère mauvais, altier, de combat, singulièrement antipathique.

A côté de la fille, écrasée sous son mal, il eût pourtant fallu la mère, — la mère tendre, qui souffre — aussi, qui pleure, qui apaise ce qui ne saurait être apaisé…

Les deux femmes, silencieuses, regardaient les épreuves… — Nous attendions debout, l’employé et moi…

La mère enfin murmura vers la fille, d’un verbe bref, quelques mots dans l’idiome qui nous était étranger, — et, traduisant, la jeune femme me dit :