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Page:Nadar - Quand j'étais photographe, 1900.djvu/38

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quand j’étais photographe

nous ne sommes que le 4, et je dois attendre jusqu’au 15, jour de notre paye à l’atelier…

— … pour ?…

— … pour une ou deux petites emplettes de produits nécessaires à mon expérience : j’ai usé, dimanche dernier à Montmartre, le reste de mes très petites munitions. La dépense est insignifiante, quarante francs à peine : mais vous comprenez, — vous sentez, j’en suis sûr, — que je tiens à cœur de les fournir ici moi-même…

— Nous y voilà arrivés ! pensé-je.

Et c’est moi, cette fois, qui cherche le regard de de Pages… — Mais rien n’échappe à celui qui guette : le jeune ouvrier se retourne vers Hérald et, suffoquant, avec une larme qui tremble au bout de ses cils :

— Là !  !  !… Vous voyez, monsieur !… J’en étais sûr ! Monsieur Nadar a sur moi une pensée mauvaise !… Et pourtant lui-même m’est témoin que je ne voulais rien dire de ce qui me regardait seul ; mais vous avez tellement insisté que je vous ai cédé et que maintenant on peut me prendre ici pour un intrigant, un misérable mendiant…

Il faut l’apaiser, le consoler, le rassurer… — J’y aide Hérald, — et fin finale le jeune homme emporte ses deux louis, — mais combien il a fallu le prier !…

Il viendra demain matin, à dix heures, — dix heures précises.

Le voilà parti.