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Page:Nadar - Quand j'étais photographe, 1900.djvu/57

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Mais déjà les deux jeunes gens venaient de se retourner l’un vers l’autre, le regard dans le regard — et quelles profondeurs dans les pensées, dans l’âme de ce regard ! — tout émus, bouleversés encore, mais avec un immense soupir de dégagement.

La maman n’avait rien entendu, souriante toujours…

Et alors contre mon oreille, — bien bas, tout bas, — le jeune homme me souffle :

— L’homme que le Comte de Wedel a tué il y a deux ans était notre frère, l’aîné.

» On a pu cacher cette catastrophe à notre mère, grâce à sa cécité. Mais avec la coïncidence de la disparition du Comte, nous avons toujours tremblé, nous tremblons encore, toujours, à la possibilité de quelque rapprochement…

» Jusqu’ici, pour notre mère, depuis ces deux années, notre frère est en grand voyage, autour du monde.

» Tous les quinze jours, nous lisons à maman son courrier, toujours avidement attendu : — les lettres qu’IL lui adresse, — et que nous écrivons, ma sœur et moi…

» Elle attend ainsi le retour, comptant les jours…

» Un mot de plus — et vous pouviez nous la tuer

Dérisoire fragilité de nos destinées humaines :