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Page:Nadar - Quand j'étais photographe, 1900.djvu/76

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la condamnation sera plus que paterne, — si condamnation il y a.

— Attendez !…

Un mois, six semaines après la soirée de Croissy, un marinier sous le pont ramène de son croc un amas informe, apparition hideuse par la vase.

C’est le cadavre d’un noyé en pleine putréfaction, si abominablement façonné que la forme humaine y devient tout à l’heure illisible. Les membre ont été ramenés et violemment ployés contre le corps : des bandes de plomb les y écrasent en turgescences livides, et, ainsi, cette masse hâve semble le ventre blafard d’un crapaud géant. — L’épiderme des mains et des pieds, tout plissé, est blanc cru tandis que la face a pris une teinte brunâtre. Les deux globes des yeux, aux paupières révulsées, pareils à deux œufs et comme prêts à éclater, jaillissent exorbités de la tête livide : entre les lèvres épanouies en bourrelets, la bouche grand, ouverte laisse pendre la langue tuméfiée, déchiquetée par les poissons. Les parties charnues sont déjà comme saponifiées ; ce qui reste de cheveux ou de barbe n’adhère plus. De toutes parts crevée, la peau de l’abdomen, verdie par places et par d’autres bleutée ou violâtre, vomit par chacun de ces trous les intestins parfilés, et ces boyaux flottent en banderoles, comme des tentacules de