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Page:Nadar - Quand j'étais photographe, 1900.djvu/84

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initiale Le physicien Charles, — le premier, avec son compagnon Robert, que le gaz hydrogène enleva dans les airs.

Et à jamais pour tous ceux qui montèrent après Charles comme pour tous ceux qui monteront encore dans la nacelle d’un aérostat, invariablement, morale ou physique, la prestigieuse impression restera là même.

Libre, calme, comme aspiré par les immensités silencieuses de l’espace hospitalier, bienfaisant, où nulle force humaine, nulle puissance de mal ne peut l’atteindre, il semble que l’homme se sente là vivre réellement pour la première fois, jouissant dans une plénitude jusqu’alors inconnue de tout le bien-être de sa santé d’âme et de corps. Enfin il respire, dégagé de tous liens avec cette humanité qui achève de disparaître à ses yeux, si petite en ses plus grandes œuvres, — travaux de géants, labeurs de fourmis, — par les luttes et les meurtriers déchirements de son antagonisme imbécile. Comme le laps des temps écoulés, l’altitude qui l’éloigne réduit toutes choses à leurs proportions relatives, à la Vérité. En cette sérénité surhumaine, le spasme de l’ineffable transport dégage l’âme de la matière qui s’oublie comme si elle n’existait plus, volatilisée elle-même en essence plus pure. Tout est loin, soucis, amertumes, dégoûts. Comme tombent bien de là-haut l’indifférence, le dédain, l’oubli, — et aussi le pardon…