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Page:Nadar - Quand j'étais photographe, 1900.djvu/85

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Mais une autre extase nous rappelle vers l’admirable spectacle offert à nos regards charmés.

Sous nous, comme pour nous faire honneur en accompagnant notre marche, la terre se déroule en un immense tapis sans bords, sans commencement ni fin, aux couleurs variées où la dominante est le vert, dans tous ses accents comme dans tous ses mariages. Les champs en damiers irréguliers ont l’air de ces « couvertes » en pièces multicolores mais harmoniques rapportées par l’aiguille patiente de la ménagère. Il semble qu’une inépuisable boîte à joujoux vient d’être répandue profuse par cette terre, la terre que Swift nous découvrit vers Lilliput, comme si toutes les fabriques de Carlsruhe avaient vidé là leur stock. Joujoux ces petites maisons aux toits rouges ou ardoisés, joujoux cette église, cette prison, cette citadelle, les trois habitacles où se résume toute notre civilisation présente. — Joujou bien plus encore ce soupçon de chemin de fer qui nous envoie de tout en bas son aigre petit cri de sifflet comme pour forcer notre attention, et qui tout mignon file si lentement — pourtant avec ses quinze lieues à l’heure — sur son rail invisible, panaché de sa petite aigrette de fumée… Et qu’est cet autre flocon blanchâtre que j’aperçois là-bas flottant par l’espace : la fumée d’un cigare ? — Non, un nuage.

C’est bien en effet le planisphère, car nulle perception des différences d’altitudes. Tout est « au point. »