Le 15 août suivant, ils abordaient à Kagoshima. Xavier se prépara aussitôt à la prédication de l’évangile ; il visita, au préalable, l’administrateur civil de cette ville, alla saluer le seigneur de Satsouma et parcourut, avec Paul de Saint-Foi qui lui servait d’interprète, tous les monastères de bonzes. Il se lia d’amitié avec le vieux Ningit, supérieur des bonzes et
baptisés ; l′un reçut le nom de Jean, l′autre celui d′Antoine.
« Un habitant de Cangoxima, nommé Angeroo, dit Charlevoix
(Histoire du Japon, nouvelle édition, 1754, t. II, p. 20),
âgé de trente-cinq ans, riche et d’extraction noble, ayant pratiqué
pendant quelques jours ces étrangers (Antoine Mota,
François Zeimoto et Antoine Pexota), les goûta fort et ils
apprirent de lui que le souvenir des dérèglements de sa
jeunesse lui causaient de violents et continuels remords de
conscience ; que, pour les apaiser, il s’était retiré dans une
maison de bonzes, se flattant que les entretiens et les bons
avis de ces ministres des dieux pourraient mettre fin à ses
inquiétudes, mais que ce remède, bien loin de guérir son
mal, l’avait empiré et qu’il croissait de jour en jour.
« Ceux à qui il s’ouvrait de la sorte firent apparemment
tout ce qu’ils purent pour le soulager, mais ils le quittèrent
sans y avoir réussi.
« Deux ans après (1544), un autre marchand portugais,
nommé Alvare Vaz étant allé trafiquer à Cangoxima, Angeroo
lui communiqua aussi ses peines intérieures ; Vaz, qui
connaissait le P. François-Xavier et qui avait conçu une
grande idée de sa sainteté et de son pouvoir auprès de Dieu,
voulut engager le gentilhomme japonais à l’aller trouver.
Angeroo se sentit d’abord extrêmement pressé de faire ce
que lui disait le marchand portugais, mais considérant qu’il
lui fallait abandonner pour longtemps sa famille et s’exposer
sur mer, il ne pouvait se résoudre, lorsqu′ayant malheureusement
tué un homme dans une rencontre, la crainte de tomber
entre les mains de la justice l′obligea de s’embarquer
sur le premier navire qui fit voile vers Malacca. »