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les conquêtes du commandant belormeau

Elle le regarda avec étonnement.

— Je pensais que je ne le serais jamais assez ?

— Il faut l’être assez, mais pas trop ; ma pauvre enfant, ton cas n’est pas pendable…, tu rêvais d’amour et tu as cru mettre la main sur ta chimère.

— C’est bien vrai, grand-père.

— Tu t’es trompée et voilà tout. J’avais un vieil oracle qui disait que les amours humaines sont pareilles aux champignons ; il y en a de bons, il y en a de mauvais. Le danger, c’est que les plus vénéneux sont généralement les mieux vêtus, les plus tentants… Si tu les cueilles, ils ont le même parfum que les bons ; si tu y goûtes, on dit que leur saveur est plus délicieuse encore ; seulement, tu sais ce qui suit ? Il faut s’y connaître, ma fille.

— Grand-père, j’étais ignorante.

— À ce mal, il existe un remède : l’expérience de ceux que Dieu a commis à notre garde.

— C’est en cela que j’ai péché.

— Ma petite fille, sois tout à fait franche avec ton vieux grand-père… Quel sentiment gardes-tu pour le commandant Belormeau ?

— Ni affection, ni rancune ; je ne puis songer à lui, sans me redire : « Étais-je assez folle ? Étais-je assez sotte pour me prendre à de semblables fadaises ?

— Et pour Philippe, qu’y a-t-il, au fond de ton cœur ?

Valentine rougit et hésita, un instant.

— Je vous ai promis d’être franche… J’ai pour Philippe une nouvelle et profonde tendresse dont je suis sûre, pouvant juger de tout ce qui la sépare de mon engouement passé.

— L’aimerais-tu assez pour le lui dire, même s’il devait te repousser ?

Elle joignit ses mains et soupira :

— Dans cette crainte, j’aimerais mieux me taire…