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a travers le grönland.

quelques instants. Nous dînons, prenons ensuite plusieurs heures d’un repos bien gagné, puis de nouveau, en route ! Le vent est toujours aussi fort qu’avant. Après avoir dépassé la pointe méridionale d’Umanarsuak, nous trouvons une mer très haute venant du fjord situé au nord[1]. La journée est encore très peu avancée, mais dans ces conditions il est préférable de s’arrêter. Nous allons camper sur l’ile Umanak. Pour la première fois depuis que nous naviguons, nous avons le loisir de choisir un emplacement commode pour la tente, et pour la première et en même temps la dernière fois du voyage nous avons le plaisir de coucher sur un gazon plus ou moins fourni.

Après tout, nous n’avons pas le droit de nous plaindre : nous avons toujours parfaitement dormi ; nos nuits sont seulement trop courtes au gré de nos désirs. Dès que le bivouac est établi, nous réunissons un monceau de broussailles et faisons un grand brasier, sur lequel bout bientôt une excellente soupe. Une boîte de biscuits vide nous sert de marmite. Aucun de nous n’oubliera le campement d’Umanak et la soirée que nous avons passée joyeusement autour du feu de bivouac.

Sur l’ile se trouvent des ruines d’habitations ; à côté sont éparpillés des ossements d’indigènes. Il y a, notamment, un crâne de vieil Eskimo, dont la vue est particulièrement désagréable. Vraisemblablement, les habitants sont morts de faim, et à la suite de cette catastrophe leurs huttes sont tombées en ruine.

Le lendemain, le vent étant un peu tombé, nous pouvons continuer notre route. La glace est compacte ; à l’embouchure du fjord Schested, elle nous barre complètement la route. Pendant longtemps nous cherchons en vain une ouverture pour passer au milieu des glaçons ; finalement il devient nécessaire de nous frayer un chemin à l’aide du pic et de la hache. À neuf heures du soir nous apercevons un endroit où il serait agréable de camper, mais il est trop tôt, pensons-nous, pour nous arrêter. Jusqu’à une heure et demie du matin nous continuons à avancer ; le bivouac est alors établi sur un îlot de la côte orientale de l’ile Uvivak, où les canots peuvent être tirés à sec (63° 3’ latitude nord, 51° 18’ longitude ouest). Ce jour--

  1. Ce fjord est l’Umanakfjord. Sur certaines cartes celle baie porte le nom de Sehestedfjord.