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L’ÉPAVE MYSTÉRIEUSE

sur la baie de Kamiesh. Avec l’autorisation de l’amiral Hamelin, nous irons reconnaître cette baie, placée avant le cap Chersonèse, à une faible distance de la rade de Sébastopol, et cela tout de suite. Pendant que l’escadre alliée contournera les côtes, le Roland restera en arrière…

— Mais, s’écria un officier, personne n’a songé à ce mouillage. On n’en parle jamais. Il ne doit rien valoir.

— Règle générale, répliqua le commandant avec un fin sourire, règle générale, mon ami, une chose est toujours ignorée jusqu’au jour où on la découvre. C’est aux malins à se débrouiller. Et voilà ce à quoi le Roland n’a pas encore manqué, il me semble. »

L’officier baissa la tête, un peu confus.

En effet, jusque-là et, depuis, pendant toute la guerre, les coups d’audace et les expéditions du Roland réussirent constamment.

Kamiesh reconnu fut jugé inappréciable. C’était un excellent refuge, où de nombreux vaisseaux pouvaient mouiller à l’abri dans des eaux profondes ; grâce à l’amiral Bruat, ce port prit bientôt l’aspect mouvementé qu’il devait garder jusqu’à la fin de la campagne. Les marins lui donnèrent le nom de baie de la Providence.

L’armée anglo-française avait déjà accompli un mouvement tournant que les défenseurs de Sébastopol ne purent ou n’osèrent pas entraver, trompés sans doute par une canonnade à longue portée engagée par huit bâtiments à vapeur.

Le prince Menschikoff laissa entreprendre cette fameuse marche de flanc, depuis les rives de la Katcha jusque sur les monts Fédioukine, où les troupes alliées bivouaquèrent le 26 septembre. Les nôtres étaient alors sous le commandement en chef du général Canrobert.

Les monts Fédioukine s’élèvent au sud-est de Sébastopol et dominent la Tchernaïa, rivière qui va se perdre au fond de la rade.

Pendant que nos escadres mouillaient dans le port ou dans la rade de Kamiesh, et que la flotte anglaise prenait possession de Balaklava, la division Bosquet montait le plateau de la Chersonèse.

Les jours suivants, depuis le nord-ouest de la presqu’île, qu’occupa la division turque, jusqu’à Inkermann, quartier général des Anglais, enfin d’Inkermann à Balaklava et au cap Chersonèse, toutes les troupes alliées campèrent et s’échelonnèrent, en masses plus compactes là où l’ennemi pouvait les attaquer, soit qu’il arrivât par la vallée de la Tchernaïa, soit par celle de Balaklava ; de ce côté allaient, en effet, se livrer les prochains combats.

Dès l’origine, les flottes combinées devaient attaquer Sébastopol par le sud, et l’armée victorieuse se porter sur ce point après avoir pris les fortifications et forcé l’entrée au nord-ouest de la ville.