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Page:Nanteuil, L’épave mystérieuse, 1891.djvu/308

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L’ÉPAVE MYSTÉRIEUSE

Livrée aux flammes par ses défenseurs, Sébastopol ne s’était point rendue ! Seulement il n’en restait pas pierre sur pierre.

Et les derniers régiments russes, après avoir allumé l’incendie, traversèrent un pont de bateaux, dernier ouvrage dû au génie de Totleben.

Des quartiers brûlaient encore le lendemain de l’assaut, lorsque, à Sébastopol même, Pélissier signa l’ordre du jour de la victoire.

Ce n’est pas dans ce livre que je pourrais essayer de juger l’utilité et la portée de cette guerre d’Orient.

En Crimée, les pertes furent celles-ci : Dix mille deux cent quarante hommes seulement périrent devant l’ennemi, et quatre-vingt mille succombèrent pendant les années 1854-55.

À ce chiffre il faut en ajouter quinze mille revenus en France gravement malades.

Anglais : vingt-deux mille ; deux mille huit cents sur le champ de bataille.

Piémontais : deux mille deux cents.

Turcs : trente-cinq mille.

Le relevé officiel des morts russes était, le 13 novembre 1855, de cent dix mille. Et ces masses d’hommes, renvoyés malades ou atteints du choléra, du typhus, en traversant l’immense empire, qui pourrait les compter ?

… Le dernier acte de la grande lutte allait se jouer le 17 octobre 1855 devant Kibournn et par notre escadre, au moment même où, à Eupatoria, notre cavalerie refoulait les ennemis encore une fois.

Kibournn défendait la mer Noire à la pointe extrême de la Russie qui se trouve enclavée entre le Bug et le Dniéper.

Soixante-dix bâtiments bombardèrent la place, et, parmi ceux-ci, les premières batteries blindées qui furent construites. En avant les canonnières et les batteries ouvrirent le feu contre la forteresse, pendant que les compagnies de débarquement étaient mises à terre.

L’une des batteries, la Dévastation, servait de point de mire aux assiégés ; sur elle les boulets russes pleuvaient et ricochaient sans entamer ces primitives cuirasses.

En tête, le Montebello, bâtiment amiral français, où sur la dunette, entouré de son état-major, se tenait l’amiral Bruat en grande tenue. Dirigeant l’action, il signalait les manœuvres aux commandants. Les signaux hissés rapidement, et plus rapidement amenés, rencontraient parfois un boulet qui les emportait et vraiment on en riait à bord : les matelots avaient vu planer ou éclater une telle quantité de boulets et d’obus depuis dix-huit mois !

L’une des canonnières paraissait n’avoir pas compris un signal et