Page:Narrache - Jean Narrache chez le diable.djvu/15

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court, eh bien, ils m’enverront forcément chez le diable, sans plus de phrases. Mais comment les évoquer ?

En levant les yeux, je viens d’apercevoir le buste de Dante au-dessus de ma table de travail. Il y a si longtemps qu’il est là, figé dans le bronze, que je le regarde tous les jours sans le voir. Dante, un collègue en pharmacie pourtant ! On m’a dit qu’il était entré dans la guilde des apothicaires de Florence dans le but de faire de la politique. De son temps, il fallait, paraît-il, être membre d’une profession pour avoir le privilège (en était-ce un), de tremper dans la politicaillerie. De nos jours, au contraire, bien des gens, qui vivent mal de leur profession ou de leur métier, en sortent pour se jeter dans la mêlée. Rien de si facile que d’entrer dans la politique. On n’exige ni diplôme, ni carte de compétence. C’est le seul métier où il suffit d’avoir du front tout le tour de la tête et une bonne dose de suffisance. Vous voyez, même Caouette politicaille !…

Dante, en voilà un, au moins, qui se vante d’être allé en enfer. Mais comment lui parler ? Je sais autant d’italien qu’un fonctionnaire bilingue d’Ottawa sait de français ; donc pas un mot. Dommage tout de même ! Dante aurait pu me donner de précieux conseils, lui qui a trouvé le moyen d’aller visiter ses ennemis politiques, après les avoir envoyés chez le diable. Il a voulu sans doute s’assurer qu’ils s’y étaient bien rendus.

Force m’est donc de me remettre sur la réfléchissoire et de chercher un autre moyen… Ah ! je crois que j’ai trouvé. Il doit y avoir, dans mes vieux livres, quelques pages qui m’apprendront comment évoquer les esprits. Si j’avais encore,