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Page:Narrache - Jean Narrache chez le diable.djvu/37

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toé ! » Ceci me rappela le célèbre « Assis-toé, toé ! » que lançait Maurice Duplessis, quand un de ses députés tentait de se lever pour dire un mot en Chambre. Cerbère se tut aussitôt et, tête basse, rentra dans sa cabane. Quel merveilleux député de l’Union Nationale il aurait fait ! Charron vint lentement vers nous, levant un fanal à la hauteur de nos figures, en grommelant : « Allons ! qu’est-ce qu’ils veulent ces deux abrutis ! » Mais dès qu’il fut assez près pour reconnaître mon compagnon, il balbutia, sur le ton d’un Canadien français s’aplatissant devant un Anglais : « Oh ! excusez, Messire le Diable ! Je ne vous avais pas reconnu de si loin. Et puis, vous comprenez, j’ai tellement de tintoin avec tous ces damnés que je traverse à longueur de jour. J’en ai les nerfs en boule. »

— « Je vous comprends, je vous comprends, mon vieux », fit mon compagnon, pour l’apaiser. Tout ce que je voulais vous demander, c’est de nous conduire à mon chalet. »

— « Hein ? Rien que ça ! Mon jeune ami, vous n’êtes pas raisonnable. Me réveiller en pleine nuit pour me faire encore travailler ! »

— « Je le regrette, je vous assure. Voyez-vous, durant le jour, vous avez tellement de foule dans votre barque que nous n’y trouverions pas place. »

— « Quant à cela, vous avez bien raison. Vous devez comprendre aussi que ma barque n’est pas un autobus de Montréal. Je ne peux forcer la majorité de mes passagers à se pendre à des courroies… En tout cas, allons-y puisqu’il le faut ! Franchement, j’enverrais bien ma besogne au diable si elle n’y était déjà rendue. »

Il se mit à rire bruyamment, en nous entraînant vers sa barque. Sa réflexion me fit penser