Page:Narrache - Jean Narrache chez le diable.djvu/41

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un sou à me refiler, puisqu’il ne disait mot. Par acquit de conscience, je plongeai la main dans le fond de mes goussets. Miracle ! je sentis une pièce entre mes doigts. Je la retirai et je m’aperçus que c’était un de ces anciens jetons de métal qui, autrefois, donnaient droit de passage sur le pont Victoria. Risquant le tout pour le tout, je le tendis à Charron, en disant le plus innocemment du monde :

— « Franchement, je ne me croyais pas si riche ! »

Il le saisit, le regarda à la lueur de son fanal et, d’un air triomphant, le glissa dans sa bourse en disant :

— « Parlez-moi de ça, une obole d’argent ! J’ai bien peur de ne pas avoir assez pour vous faire la monnaie de votre pièce. »

— « Oh, gardez le tout », fis-je dans un élan assez compréhensif de… générosité. »

— « Ah, monsieur le Cachottier, vous avez dû obtenir une subvention du Conseil des Arts et vous ne vouliez pas le dire ! »

Mon compagnon avait dû deviner mon petit manège et, tandis que le bonhomme détachait son amarre, il me fit un clin d’œil et me dit entre les dents :

— « Ça bat quatre as ! J’en ai bien vu tricher pour entrer au ciel, mais c’est la première fois que je vois quelqu’un tricher pour aller au diable. »

Le bonhomme poussa sa barque dans le courant, en appuyant une de ses rames sur le bord du quai et nous étions partis. Vous me direz que ce n’est pas trop tôt, ô lecteurs patients et ennuyés ! Je l’admets sans plus de discussion. Cela