Page:Nau - Force ennemie.djvu/161

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Son œil me scrute avec une insupportable persistance. Si j’écrivais un roman-feuilleton, je n’hésiterais pas à dire qu’il me « vrille de ses prunelles »… J’ai beau chercher à me sentir coupable de n’importe quelle vilenie, rien que pour lui faire plaisir, — ma coquine de conscience s’obstine méchamment à ne me rien reprocher… Ah ! çà ! mais c’est trop fort ! Elzéar se figurerait-il que j’ai de criminels desseins sur Mme  Roffieux ! que c’est en cela que consiste ma folie ! — Oh ! alors le charmant homme me voit beaucoup plus « malade » que je ne l’ai jamais été ! Il aurait dû m’obtenir une cage dans le quartier des Agités s’il avait de pareils soupçons ! Allons ! Il a été généreux ! — Mais non ! Je le calomnie : Je le fais encore plus bête que nature. C’est impossible ! Ce serait de la haute fantaisie !

Mais, ma parole ! Il me croit troublé, envahi par le remords ! Car son regard devient de plus en plus « fulgurant » et « vengeur ». On lui aura prêté de mauvais livres ! Je suis dans de jolis draps !

Il ouvre une bouche énorme d’où sort une voix de cabot de mélodrame :

Elle est ici !

Il n’ajoute pas : « Tremble ! je sais tout ! ». Mais il est évident qu’il s’attend à me voir « me jeter, la face contre terre, ou si je suis tout-à-fait endurci, à m’entendre déclarer que la « foudre vient de tomber à cinq centimètres » de mes brodequins.