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Page:Nau - Force ennemie.djvu/278

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lue pour prendre congé et les cinq Jagre donnent un petit coup de tête d’automates mal graissés. Il n’est plus question de poignées de mains ni d’effusions.

Dans la rue, Julien m’administre une tape amicale sur l’épaule et se met à rire :

— Je ne te savais pas la dent si dure : une couche ! Et épaisse et solide ! Comme tu y vas ! Eh bien, tu as eu cent fois raison de recaler cette vieille Croquemitaine. Je suis content que le mari soit en voie de guérison. Cela me dispensera de retourner dans ce repaire de félins. Et quand je pense que Jagre a été un gentil garçon ! Mais il y a si longtemps de cela !

Mon frère a cru que je m’égayais aux dépens de cette famille de fauves ! Pourquoi lui avouer la fâcheuse vérité ?

Mais je sais ce qui m’attend. Désormais je ne pourrai plus me trouver en face d’amis ou d’indifférents connus sans me figurer qu’ils m’observent, effrayés et hostiles, guettant la crise…

Julien entre dans un débit de tabac pour acheter des cigares. Le soin de bien choisir ses faux « havanes » l’absorbe. Il ne s’occupe plus de moi. Voici l’occasion demandée ! Je sors sur la pointe des pieds, prends le pas gymnastique, tourne un coin de rue, hèle un fiacre, — et, trois quarts d’heure plus tard, je suis à table dans un petit restaurant de la Place du Panthéon, voisin de l’ « Hôtel du Périgord », où j’ai résolu de coucher une nuit ou deux.