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Page:Necker - Hommage de M. Necker a la nation françoise - 1789.pdf/7

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des lieux qui en ſont le théâtre, jointe aux chagrins qui accablaient déjà madame Necker, acheva d’altérer ſi viſiblement ſa ſanté, que, pour obéir aux ordres qui me pourſuivaient, même au-delà des limites de l’empire du ſouverain de qui je les avais reçus, je fus contraint de l’abandonner en des mains étrangères, pour me rendre au lieu d’exil dont la route m’avait été prescrite.

Ô vous Français ! qui portés tous un cœur ſenſible, & qui ſavés compâtir mieux qu’aucun peuple du monde, aux maux de tout être ſouffrant, je laiſſe à votre imagination, à vous retracer l’état de mon ame, pendant que, ſeul & ſéparé de tout ce qui avait pû faire le charme d’une longue vie, exempte de reproches, des chevaux m’enlevaient d’une courſe rapide, ſur le chemin qui conduit de Bruxelles à Francfort, obligé de déguiſer mon nom aux lieux où je paſſais, comme un criminel fugitif !

Cependant, quelque cruelle que fût ma ſituation, j’oſe avancer ici, ſans craindre d’être démenti par aucun cœur qui aura connu l’empire d’un amour vrai & vertueux, ou d’une amitié ſainte, que je pleurais plus encore ſur vos maux