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LES FILLES DU FEU

plusieurs sortes de réactions : les unes prennent des biais, les autres sont des réactions qui consistent à s’arrêter. J’ai voulu dire qu’un excès amenait d’autres excès. Ainsi il est impossible de ne point blâmer les incendies, et les dévastations privées, — rares pourtant de nos jours. Il se mêle toujours à la foule en rumeur un élément hostile ou étranger qui conduit les choses au-delà des limites que le bon sens général aurait imposées, et qu’il finit toujours par tracer.

Je n’en veux pour preuve qu’une anecdote qui m’a été racontée par un bibliophile fort connu, — et dont un autre bibliophile a été le héros.


Le jour de la révolution de février, on brûla quelques voitures, — dites de la liste civile ; — ce fut, certes, un grand tort, qu’on reproche durement aujourd’hui à cette foule mélangée qui, derrière les combattants, entraînait aussi des traîtres…

Le bibliophile dont je parle se rendit ce soir-là au Palais-National. Sa préoccupation ne s’adressait pas aux voitures ; il était inquiet d’un ouvrage en quatre volumes in-folio intitulé Perceforest.

C’était un de ces roumans du cycle d’Artus, — ou du cycle de Charlemagne, — où sont contenues les épopées de nos plus anciennes guerres chevaleresques.

Il entra dans la cour du palais, se frayant un passage au milieu du tumulte. — C’était un homme grêle, d’une figure sèche, mais ridée parfois d’un sourire bienveillant, correctement vêtu d’un habit noir, et à qui l’on ouvrit passage avec curiosité.

— Mes amis, dit-il, a-t-on brûlé le Perceforest ?