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LES FILLES DU FEU

On a confondu déjà, — à deux cents ans d’intervalle, — les deux souvenirs, et Rousseau devient peu à peu le contemporain d’Henri IV. Comme la population l’aime, elle suppose que le roi a été jaloux de lui, et trahi par sa maîtresse, — en faveur de l’homme sympathique aux races souffrantes. Le sentiment qui a dicté cette pensée est peut-être plus vrai qu’on ne croit. Rousseau, qui a refusé cent louis de madame de Pompadour, a ruiné profondément l’édifice royal fondé par Henri. Tout a croulé. — Son image immortelle demeure debout sur les ruines.

Quant à ses chansons, dont nous avons vu les dernières à Compiègne, elles célébraient d’autres que Gabrielle. Mais le type de la beauté n’est-il pas éternel comme le génie ?


En sortant du parc, nous nous sommes dirigés vers l’église, située sur la hauteur. Elle est fort ancienne, mais moins remarquable que la plupart de celles du pays. Le cimetière était ouvert ; nous y avons vu principalement le tombeau de De Vic, — ancien compagnon d’armes de Henri IV, — qui lui avait fait présent du domaine d’Ermenonville. C’est un tombeau de famille, dont la légende s’arrête à un abbé. Il reste ensuite des filles qui s’unissent à des bourgeois. — Tel a été le sort de la plupart des anciennes maisons. Deux tombes plates d’abbés, très-vieilles, dont il est difficile de déchiffrer les légendes, se voient encore près de la terrasse. Puis, près d’une allée, une pierre simple sur laquelle on trouve inscrit : Ci-gît Almazor. Est-ce un fou ? — est-ce un laquais ? — est-ce un chien ? La pierre ne dit rien de plus.

Du haut de la terrasse du cimetière, la vue s’étend sur