Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/142

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survécu que peu de mois aux scènes douloureuses que nous avons racontées. La vie insoucieuse et frivole que Nicolas menait à Paris ne lui avait pas été cachée, et jeta sans doute bien de l’amertume sur ses derniers instants. Nicolas, né avec tous les instincts du bien, mais toujours entraîné au mal par le défaut de principes solides, écrivait plus tard, en songeant à cette époque de sa vie : « Les mœurs sont un collier de perles ; ôtez le nœud, tout défile. »

Cependant ses habitudes de dissipation avaient épuisé à la fois sa santé et ses ressources. Un simple ouvrier, si habile qu’il fût, gagnant au plus cinquante sous par jour, ne pouvait continuer longtemps l’existence que lui avaient créée ses nouvelles relations. Une lettre lui arriva tout à coup d’Auxerre… elle était de M. Parangon. La fatalité voulut qu’il se trouvât justement sans ouvrage et dans un moment de pénurie absolue à l’époque où cette lettre lui fut remise ; de plus, il se sentait pris d’une sorte de nostalgie, et songeait à s’en aller quelque temps respirer l’air natal. M. Parangon, après quelques politesses et quelques regrets exprimés sur la mort de sa femme, se plaignait de l’isolement où il était réduit, et proposait à son ancien apprenti de venir prendre la place d’un prote qui l’avait quitté. « C’est Tourangeau, ajoutait-il, qui m’a fait songer à vous… Vous voyez combien il est loin de vous en vouloir pour le coup de pointe que vous lui aviez planté dans la gorge. »

Lorsque la lettre arriva à Paris, Nicolas n’avait plus que vingt-quatre sous ; il fut obligé de vendre quatre chemises de toile pour payer sa place dans le coche d’Auxerre. M. Parangon le reçut très bien, et, comme Nicolas ne voulut pas loger dans sa maison, l’imprimeur lui indiqua l’hôtel d’un nommé Ruthot.