Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/275

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— Pour ça, dit alors madame la duchesse de Grammont, nous sommes bien heureuses, nous autres femmes, de n’être pour rien dans les révolutions. Quand je dis pour rien, ce n’est pas que nous ne nous en mêlions toujours un peu ; mais il est reçu qu’on ne s’en prend pas à nous, et notre sexe…

Votre sexe, Mesdames, ne vous en défendra pas cette fois ; et vous aurez beau ne vous mêler de rien, vous serez traitées tout comme les hommes, sans aucune différence quelconque.

— Mais qu’est-ce que vous nous dites donc là, monsieur Cazotte ? C’est la fin du monde que vous nous prêchez.

— Je n’en sais rien ; mais ce que je sais, c’est que vous, madame la duchesse, vous serez conduite à l’échafaud, vous et beaucoup d’autres dames avec vous, dans la charrette du bourreau, et les mains derrière le dos.

— Ah ! j’espère que, dans ce cas-là, j’aurai du moins un carrosse drapé de noir.

— Non, madame, de plus grandes dames que vous iront comme vous en charrette, et les mains liées comme vous.

— De plus grandes dames ! quoi ! les princesses du sang ?

De plus grandes dames encore… » Ici un mouvement très sensible se fit dans toute la compagnie, et la figure du maître se rembrunit. On commençait à trouver que la plaisanterie était forte.

Madame de Grammont, pour dissiper le nuage, n’insista pas sur cette dernière réponse, et se contenta de dire, du ton le plus léger : « Vous verrez qu’il ne me laissera pas seulement un confesseur !