Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/276

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Non, madame, vous n’en aurez pas, ni personne. Le dernier supplicié, qui en aura un par grâce, sera… »

Il s’arrêta un moment. « Eh bien ! quel est donc l’heureux mortel qui aura cette prérogative ? — C’est la seule qui lui restera : et ce sera le roi de France. »

Le maître de la maison se leva brusquement, et tout le monde avec lui. Il alla vers M. Cazotte, et lui dit, avec un ton pénétré : « Mon cher monsieur Cazotte, c’est assez faire durer cette facétie lugubre ; vous la poussez trop loin, et jusqu’à compromettre la société où vous êtes, et vous-même. » Cazotte ne répondit rien, et se disposait à se retirer, quand madame de Grammont, qui voulait toujours éviter le sérieux et ramener la gaîté, s’avança vers lui :

— Monsieur le prophète, qui nous dites à tous notre bonne aventure, vous ne dites rien de la vôtre. »

Il fut quelque temps en silence et les yeux baissés :

« Madame, avez-vous lu le siège de Jérusalem, dans Josèphe ?

— Oh ! sans doute ; qu’est-ce qui n’a pas lu ça ? Mais faites comme si je ne l’avais pas lu.

— Eh bien ! madame, pendant ce siège, un homme fit sept jours de suite le tour des remparts, à la vue des assiégeants et des assiégés, criant incessamment d’une voix sinistre et tonnante : Malheur à Jérusalem ! Malheur à moi-même ! Et dans le moment une pierre énorme, lancée par les machines ennemies, l’atteignit et le mit en pièces. »

Après cette réponse, M. Cazotte fit sa révérence et sortit.


Tout en n’accordant à ce document qu’une confiance relative, et en nous rapportant à la sage opinion de Charles Nodier, qui dit qu’à l’époque où a eu lieu cette scène, il n’était peut-être pas difficile de prévoir que la révolu-