Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/29

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moi à leur tête, leurs affaires seraient en meilleure posture !

Il se rendit de la cuisine dans le cabaret, où l’on vidait les bouteilles d’un certain petit cru qui ne se serait pas conservé ailleurs ni plus tard.

Archambault de Bucquoy prit place à une table, où l’on ne tarda pas à lui apporter sa soupe, et il continua à la trouver trop salée. On sait la haine des Bourguignons contre ce terme, qui se renouvelle depuis le xve siècle, où la plus grosse injure était de les appeler : Bourguignons salés.

L’inconnu dut s’expliquer :

— Je veux dire, répondit-il, que l’on ne ménage pas le sel dans les mets que l’on sert ici… Ce qui prouve que le sel n’est pas rare dans la province…

— Vous avez raison, dit un homme d’une force colossale, qui se leva du milieu des buveurs, et qui lui frappa sur l’épaule ; mais il faut des braves… pour que l’on ait ici le sel à bon marché !

— Comment vous appelez-vous ?

L’homme ne répondit pas ; mais un voisin dit à Archambault de Bucquoy :

— C’est le capitaine…

— Ma foi, répondit-il, je me trouve ici dans la société d’honnêtes gens… Je puis parler !… Vous êtes évidemment ici des hommes qui faites la contrebande du sel… Vous faites bien.

— On a du mal, dit le capitaine.

— Eh, mes enfants ! Dieu récompense ceux qui agissent pour le bien de tous.

— C’est un huguenot, se dirent à voix basse quelques-uns des assistants…

— Tout est fini ! reprit Archambault ; le vieux roi s’éteint, sa vieille maîtresse n’a plus de souffle… Il a épuisé