Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/44

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Ils sortirent tous par la porte de la boutique qui donnait sur la rue de l’Intendance.

La lueur d’un grand incendie se faisait voir du côté de la porte de Compiègne… Au point opposé l’on se battait. La petite troupe força la porte du jardin de l’évêché, et s’y rencontra, à travers les arbres, avec un grand nombre d’autres gens chargés de ballots, qui entrèrent dans la ville pendant que les autres, en échangeant çà et là des signes de reconnaissance, descendaient le rempart à l’aide d’échelles et gravissaient ensuite la contrescarpe dégradée sur ce point. Il fallait ensuite passer l’Aisne pour atteindre les hauteurs de Cuffy et la limite des forêts.

On a supposé depuis que les gens qui avaient tenté de faire échapper l’abbé de Bucquoy de la prison de Soissons, étaient un parti de ces mêmes faux saulniers qu’il avait rencontrés en Bourgogne, et à qui il avait offert de se mettre à leur tête… Un seigneur riche, aventureux et puissant comme lui par ses relations en France et au dehors, était bien ce qu’il leur fallait.

Quant au capitaine Roland, ancien chef de partisans des Cévennes, il s’était échappé par les pays de l’Est après la capitulation de Cavalier. Pendant que ce chef, qui avait obtenu son pardon au prix du sang de ses frères, paradait à Versailles comme un chef de tribus vaincues, Roland, aidé par les bandes de faux saulniers, — mélangées comme on sait de protestants, de déserteurs et de paysans réduits à la misère, — tentait de gagner le Nord pour s’y réfugier au besoin. En attendant, ses gens faisaient du faux saulnage, aidés en secret par la population et les soldats mal payés des troupes royales. — On mettait le feu à une maison, toute la ville se portait là. Pendant ce temps, les faux saulniers, nombreux et bien armés, faisaient entrer des sacs de sel par quelque rempart mal surveillé.