depuis surtout que j’ai lu dans un livre intitulé le Mépris du monde : « Il est plus profitable pour l’homme de se cultiver lui-même en vue de Dieu que de cultiver la terre, qui ne nous est de rien. »
— Mais, dit le capitaine, cette maxime est assez suivie dans ces temps-ci… Qui est-ce qui cultive ?… On se bat, on chasse, on fait un peu de faux saulnage… ; on introduit des marchandises d’Allemagne et d’Angleterre, on vend des livres prohibés. Ceux qui ont de l’argent spéculent sur les bons des fermes ; mais la culture, c’est un travail de fainéants !
Archambault comprenait l’ironie de ce discours :
— Messieurs, dit-il, je suis entré ici par hasard ; mais je ne sais pourquoi je me sens l’un des vôtres… Je suis un de ces fils de grandes familles militaires qui ont lutté contre les rois, et qui sont toujours soupçonnés de rébellion. Je n’appartiens pas aux protestants, mais je suis pour ceux qui protestent contre la monarchie absolue et contre les abus qu’elle entraîne… Ma famille avait fait de moi un prêtre ; j’ai jeté le froc aux orties et je me suis rendu libre. Combien êtes-vous ?
— Six mille, dit le capitaine.
— J’ai servi déjà quelque temps… J’ai cherché même à lever un régiment depuis que j’ai abandonné la vie religieuse… Mais les dépenses qu’avait faites feu mon oncle m’ont gêné dans certaines ressources que j’attendais de ma famille… M. de Louvois nous a causé de grands chagrins !
— Cher seigneur, dit le capitaine, vous me paraissez être un brave… Tout peut se réparer encore. — Votre demeure à Paris ?
— Je compte descendre chez ma tante, la comtesse douairière de Bucquoy.
Un des assistants se leva, et dit à des gens qui se trouvaient à la même table :
— C’est celui que nous cherchons.
Cet homme était connu pour un recors ; il sortit et alla quérir un exempt de la maréchaussée.