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SCÈNES DE LA VIE ALLEMANDE.

die. La guerre rugissait autour de nos berceaux, et nos pères absents revenaient par instants nous presser sur leur sein, tantôt vainqueurs, tantôt vaincus et consternés ! La passion politique, qui d’ordinaire est une passion de l’âge mûr, nous a pris, nous, même avant l’âge de raison ; et nous lui avons sacrifié tout : les douces joies de l’enfance, les folles ardeurs du premier sang ; nous l’avons retrouvée plus tard encore dans l’étude et dans la famille ; et le jour où nos bras furent assez forts pour lever un fusil, la patrie nous jeta tout frémissants sous les pieds des chevaux, au milieu du choc des armures. Oh ! maintenant qu’un calme plat a succédé à tant d’orageuses tourmentes, étonnez-vous que nous ayons peine à nous remettre de ces efforts prématurés, et que nous n’ayons plus à offrir aux femmes qu’une âme flétrie avant l’âge, et des passions énervées déjà par le doute et par le malheur.

marguerite. Pauvre Lewald ! ce sont les peines les plus vraies celles-là que l’imagination agrandit, mais aussi les plus faciles à combattre, car le remède est tout près du mal. Mon mari fut longtemps ce que vous êtes. Il m’a confié ses chagrins d’une époque qui n’est pas encore éloignée ; et quand il s’animait à me faire ses confidences, il me causait l’impression que vous venez d’éveiller en moi tout à l’heure. Vous le verrez, Frantz, vous serez un jour son ami peut-être, et il vous dira comment il a fait