Page:Nerval - Lorely, 1852.djvu/344

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des bois de sapins et de bouleaux. La cloche retentit encore. C’est déjà Rotterdam.

Je regrette de n’avoir pu m’arrêter un instant à Dordrecht. On dit qu’il s’y trouve une statue d’Érasme lisant dans un livre en face de l’horloge publique. Chaque fois qu’une heure sonne, le philosophe tourne une des pages de bronze de son livre. Naturellement il en tourne douze à midi. Je n’ai pas vu cette statue ; mais au détour du port de Rotterdam encombré de paquebots, — suivant à droite un bassin immense ombragé d’ormes où plongent les lourdes carcasses goudronnées des bateaux marchands, suivant encore longtemps la Hochstrat bordée de boutiques toutes parisiennes, puis tournant autour de la splendide maison de ville où il faut faire viser son passeport, — j’ai fini par rencontrer sur la place du Marché-aux-Légumes la statue du bon Érasme, qui, comme à Dordrecht, a la tête penchée sur un livre, mais qui n’en retourne pas les feuillets. On avait prétendu que, par un sentiment exagéré de propreté, les magistrats de Rotterdam faisaient écurer tous les samedis la statue de leur grand homme, ce qui finissait nécessairement par l’user. — N’est-ce qu’une fable, ou bien se sont-ils arrêtés à temps ? Il est certain qu’aujourd’hui la statue est parfaitement bronzée et n’a nul besoin d’être traitée comme un chaudron. J’ai regretté de ne pas rencontrer sur quelque autre place une statue consacrée à Bayle.