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LES FEMMES DU CAIRE.

 » Elle répond : Nos chagrins sont pareils ; — je suis consumée par l’amour ; — hélas ! c’est ce mal aussi, — l’absence de mon bien-aimé, qui me fait gémir. »

Et le refrain dont les trente derviches accompagnent ces couplets est toujours le même : « Il n’y a de Dieu que Dieu ! »

— Il me semble, dis-je, que cette chanson peut bien s’adresser en effet à la Divinité ! c’est de l’amour divin qu’il est question sans doute.

— Nullement ; on les entend, dans d’autres couplets, comparer leur bien-aimée à la gazelle de l’Yémen, lui dire qu’elle a la peau fraîche et qu’elle a passé à peine le temps de boire le lait… C’est, ajouta-t-il, ce que nous appellerions des chansons grivoises.

Je n’étais pas convaincu ; je trouvais bien plutôt aux autres vers qu’il me cita une certaine ressemblance avec le Cantique des cantiques.

— Du reste, ajouta M. Jean, vous les verrez encore faire bien d’autres folies après-demain, pendant la fête de Mahomet ; seulement, je vous conseille alors de prendre un costume arabe, car la fête coïncide cette année avec le retour des pèlerins de la Mecque, et, parmi ces derniers, il y a beaucoup de moghrabins (musulmans de l’Ouest) qui n’aiment pas les habits francs, surtout depuis la conquête d’Alger.

Je me promis de suivre ce conseil, et je repris en compagnie du barbarin le chemin de mon domicile. La fête devait encore se continuer toute la nuit.


VII — CONTRARIÉTÉS DOMESTIQUES


Le lendemain au matin, j’appelai Abdallah pour commander mon déjeuner au cuisinier Mustafa. Ce dernier répondit qu’il fallait d’abord acquérir les ustensiles nécessaires. Rien n’était plus juste, et je dois dire encore que l’assortiment n’en fut pas compliqué. Quant aux provisions, les fem-