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Page:Nettement - Études critiques sur le feuilleton-roman, 1re série, 1847.djvu/52

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34 INTRODUCTION.

est rappelé et surpassé. On se procure un beau nom comme une enseigne, et l’on parle de généraux loués à l’heure pour présider les conseils d’administration de certaines compagnies, et servir de chanterelle afin d’attirer l’actionnaire dans ses filets.

Ce matérialisme abject qui règne dans le monde des affaires, n’a pu s’y introduire et y demeurer pendant longtemps, sans finir par déborder de proche en proche, et par s’étendre comme le Nil, qui roule, sur les campagnes qu’il inonde, le limon avec ses eaux. On en aperçoit la trace dans les mœurs, où il se révèle par une soif de places, par une exagération de luxe, par une recherche de magnificence, et par un besoin de plaisirs à tout prix, inconnus dans les années qui précédèrent la révolution de juillet, et qui étonnent les personnes qui n’ont point vu la France depuis quelque temps. Tandis que le budget grandit, comme s’il était destiné à acheter tout le monde, il semble que chacun prenne à tâche de se mettre dans la nécessité de recourir à cet acheteur universel. Dans un grand nombre de salons, la société semble se modeler sur cette Vénus que l’artiste avait dorée, et qu’il avait faite riche ne pouvant la faire belle ; encore y cherche-t-on plutôt à paraître riche qu’à l’être. Le fond de la morale en crédit peut se résumer en deux mots : briller et jouir. On ne s’inquiète plus guère à Paris des voies par lesquelles un homme est arrivé à la fortune ; et ce respect de soi-même qui, il y a peu d’années, eût empêché une femme honnête de se présenter dans un salon quand celle qui en fiiisait les honneurs avait eu ou d’éclatantes aventures, ou seu-