Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/249

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le cas de dire, avec Térence, que rien de ce qui est humain ne saurait nous être étranger.

L’influence du livre De l’Allemagne, au lieu d’être exclusivement littéraire, devait s’étendre à la philosophie. Madame de Staël, qui avait frayé avec les philosophes comme avec les poëtes allemands, analysait, dans de rapides et vives esquisses, les doctrines de Kant, de Fichte, de Schelling, de Jacobi, de Herder, l’audacieux créateur de la philosophie de l’histoire ; elle accoutumait les oreilles au retentissement de ces noms nouveaux ; elle préparait les esprits à ces théories, en monnayant dans un style courant les principales idées contenues dans ces blocs scientifiques que jamais le génie français n’aurait abordés sans préparation. S’il advenait un jour qu’un de ces penseurs éloquents qui exercent sur l’esprit de leur siècle l’ascendant de la parole et de l’intelligence voulût introduire la philosophie allemande dans notre pays, c’est par la route que madame de Staël avait frayée que ces convois d’idées devaient arriver, et les premiers auditeurs de ces cours philosophiques de M. Cousin, qui allaient jeter tant d’éclat et attirer une grande affluence, devaient être les lecteurs du livre De l’Allemagne.

Si la littérature anglaise n’avait point, au début de la restauration, trouvé un aussi puissant précurseur que la littérature allemande pour l’introduire dans notre pays, elle avait l’avantage d’être moins inconnue. Déjà, dans les dernières années de l’ancienne monarchie, Ducis, cet esprit vigoureux, avait imité le