Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/417

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vivement ressenti la disparition de toutes les libertés publiques ; sa sensibilité patriotique s’était émue des souffrances intolérables de la patrie. Il porta à la tribune comme dans les affaires publiques ces deux qualités distinctives de son éminente nature, l’élévation de l’esprit, la tendresse du cœur. Il aima à la fois la royauté et les libertés publiques, la première comme la condition essentielle de l’existence des secondes dans notre pays. Quand la nouvelle du retour de l’île d’Elbe arriva, il s’éleva par l’énergie de son caractère, la vigueur de ses résolutions, l’intrépidité de sa parole, jusqu’à l’héroïsme civil. Il avait offert sa tête aux vengeances de la victoire qu’il avait regardée du haut de sa vertu, et ce fut un honneur et un bonheur pour la chambre que d’être ainsi présidée dans ces circonstances difficiles et solennelles où les assemblées se personnifient dans un homme. On comprend quelle autorité apportait à la tribune des assemblées de la monarchie ce grand orateur escorté de pareils souvenirs. C’était des profondeurs de son âme qu’il tirait son éloquence. Il éprouvait l’émotion qu’il voulait inspirer : tous les sentiments généreux trouvaient un écho éloquent dans sa parole où l’on sentait les vibrations de son cœur. Ce n’était pas un homme de parti ; c’était l’homme de la patrie planant au-dessus des passions du moment, cherchant toujours la justice et l’utilité publique, et, quand il reconnaissait s’être trompé, revenant sans vaine honte sur ses opinions, parce que le motif qui le faisait changer n’était jamais un intérêt,