Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/69

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c’est la Providence divine elle-même que l’on trouve au lieu de la providence maternelle.

Comme le dit avec raison M. de Bonald, cette démonstration de la formation des idées à l’aide de la parole transmise à l’homme, et non inventée par lui, est singulièrement féconde, car elle conduit directement au dogme de l’existence de Dieu, qu’on voit toujours apparaître, de quelque côté que l’on chemine, comme ces monuments aux proportions colossales que l’on aperçoit de partout, parce qu’ils dominent tout. Si l’homme, en effet, n’a pu inventer la parole, il a fallu qu’elle lui fût révélée, et par qui lui aurait-elle été révélée, sinon par une intelligence supérieure, c’est-à-dire par Dieu ? Cette grande vue éclaire toute la philosophie, et elle a même une plus vaste portée que ne l’a pensé M. de Bonald lui-même. Ce n’est pas seulement le système de Locke qu’elle atteint, c’est le système d’un doute méthodique et universel proposé par Descartes, l’aïeul involontaire de deux générations de sceptiques, ceux de la philosophie et ceux de la politique ; système innocent dans l’intention de l’illustre penseur demeuré fidèle aux lois de l’État et soumis à l’Église, mais bien dangereux dans des esprits moins droits et des cœurs moins purs qui, après avoir démoli, peuvent ne pas reconstruire. Ce système devient complétement inacceptable si la parole a été révélée. Si Dieu, en effet, a communiqué à l’homme, avec le langage, les idées fondamentales, il est téméraire et inconséquent de vouloir reconstruire, par les seules