Page:Nichault - La Comtesse d Egmont.pdf/12

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Le duc se jette dans ses bras, la baigne de ses larmes ; il se sent presser vivement sur ce sein qui respire à peine ; il veut s’arracher à ces étreintes convulsives, à ces caresses funèbres pour demander du secours. Vains efforts ! la mort le tient captif sur ce cœur qui ne bat plus ; une horrible convulsion, la dernière, a si fortement contracté les bras et les mains de la morte qu’il ne peut s’en dégager. G’est avec effort qu’on le délivre ; il se refuse à croire à son malheur, il s’obstine à prodiguer des secours inutiles ; il espère que la mère se ranimera à la voix de ses enfants ; le jeune duc de Fronsac et sa sœur sont amenés près du lit de deuil, mais c’est vainement que leur bouche enfantine sourit à ce visage inanimé ; c’est vainement que leurs petits bras s’étendent vers leur mère, que leurs regards, leurs cris l’appellent… elle ne doit plus leur répondre.

Le lendemain de cette triste scène qui n’aurait pu laisser de souvenir dans l’esprit trop jeune de Septimanie, si l’on ne s’était appliqué à la lui raconter sans cesse pendant son enfance, elle se vit habiller tout de noir, et cette couleur fu nèbre, la terreur des enfants, ce premier chagrin, lui laissè rent depuis une impression de mélancolie qui ajoutait un charme déplus à sa beauté noble et gracieuse.

Madame de Richelieu avait été l’objet de l’amour, de l’ambition de son mari ; il lui donna de sincères regrets, et fut s’enfermer un mois au château de Richelieu pour la pleurer sans contrainte, ne pouvant supporter la vue des gens qui ne partageaient point sa peine ou qui paraissaient en douter. Il porta même la susceptibilité en ce genre jusqu’à s’offenser de ce que son ami, M. de Voltaire, eût laissé donner au théâtre la première représentation de Zulime, huit jours après la mort de la duchesse de Richelieu, de cette aimable princesse de cuise pour laquelle il avait fait ces jolis vers :

Un prêtre, un oui, trois mots latins
À jamais fixent vos destins.
Et le célébrant, etc., etc., etc.[1].


  1. Épître à mademoiselle de Guise, sur son mariage avec M. le duo
    de Richelieu. (Épîtres, Œuvres de Voltaire.)