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ce qu’elle répétait chaque jour pour calmer la colère du vieux duc, et par ne plus voir que les inconséquences d’un charmant étourdi dans la désordre et la conduite d’un roué déterminé.

Rien n’explique mieux le charme, l’espèce de fascination qui soumettaient à M. de Richelieu toutes les personnes qui l’approchaient, que le singulier dévouement de sa sœur. Elle pouvait prétendre à un bon mariage ; son père le désirait comme un juste châtiment des excès et de la désobéissance de son fils ; mais servir le ressentiment du vieux duc contre un frère qu’elle adorait lui était impossible ; et c’est de son pro­pre mouvement qu’elle se décida à prendre le voile par inté­rêt pour la fortune de ce frère dont elle voulait le bonheur avant tout.

Son autre sœur, mariée à M. du Châtelet, gouverneur de Vincennes, ne fut pas si généreuse ; aussi l’amitié du jeune duc restait-elle tout entière à l’abbesse du Trésor. Le temps ne fit qu’ajouter à cette affection, dont la plus grande preuve fut le soin qu’il lui confia d’élever l’enfant de sa prédilection, cette charmante Septimanie, qui devait être un jour la plus belle, la plus distinguée et la moins heureuse des femmes de la cour de Louis XV.



II

LE COUVENT


L’abbaye du Trésor dominait une des plus belles vallées de la Normandie. Ses vieux ombrages, ses longs cloîtres assom­bris par les rameaux d’anciens ceps de vignes, à grappes vertes et rares qui ne mûrissent jamais ; ses pierres Tumulaires qui marquaient dans l’enceinte du cloitre la place où gisaient les religieuses mortes ; son église humide dont quel­ques riches tapis cachaient mal la mousse qui recouvrait la base des piliers, tout enfin donnait à cette habitation l’aspect le plus triste. Mais par la même raison qu’un palais éclatant de luxe, retentisant d’accords harmonieux, où les rires et la danse semblent garants de la joie, est souvent habité par le