Page:Nichault - La Comtesse d Egmont.pdf/17

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pour les talents, la gloire, les nobles ambitions, les succès, enfin pour tout ce qui fait le romanesque de la vie. Ainsi le contraste de sa nature et de son éducation la rendait à la fois modeste, fière, inconséquente, sage, réservée et passionnée.

Le duc de Richelieu, qui sous sa frivolité apparente ne négligait pas ses intérêts de gloire et de fortune, s’était attaché à celle du maréchal de Belle-Isle, dont les talents et la volonté tenace devaient nécessairement réussir auprès d’un roi spirituel, brave et indécis.

Unis par la plus forte de toutes tes sympathies, une haine commune pour le cardinal de Fleury et M. de Maurepas, le duc de Richelieu et le maréchal de Belle-Isle se croyaient sincèrement amis, et pourtant leurs caractères, leurs goûts, leurs idées ne s’accordaient en rien, mais les ambitieux sont de si bonne foi dans leur désir de renverser l’obstacle qui les gêne, qu’ils croient aimer tout ce qui les aide à parvenir à ce but.

Jamais Septimanie ne venait passer quelques jours chez son père sans y rencontrer le maréchal et son jeune fils, le comte de Gisors. De retour au couvent, elle allait se promener avec sa tante au château de Bisy, près de Vernon et de l’abbaye du Trésor. C’était une habitation admirable appartenant au maréchal de Belle-Isle, et où il faisait élever son fils unique. Lejeune comte Louis de Gisors avait quelques années de plus que Septimanie, il était appelé à hériter dignement des avantages, du rang et de la fortune de son père. Il avait de plus une figure charmante, et annonçait déjà toutes les qualités qui depuis l’ont fait distinguer.

L’abbesse du Trésor jugea, dans son intérêt pour son frère et sa nièce, qu’un mariage entre les enfans des deux amis serait le meilleur moyen d’éterniser l’union de leurs familles et de servir les vues particulières du duc de Richelieu. Dès lors, croyant agir selon ses devoirs de sœur et de tante, l’abbesse, loin de combattre le sentiment qui devait naître d’une amitié d’enfance entre deux êtres également aimables, entretint dans le cœur de sa nièce une préférence marquée pour 1e jeune comte de Gisors.

Cette préférence était déjà le sujet de toutes les conversa-