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fille avec l’habitude qu’il conservait, en dépit de son âge, de chercher à séduire toutes les femmes qui lui plaisaient ; habitude qui le rendait sans cesse le héros des aventures les plus scandaleuses, et mettait sa conduite en contradiction frappante avec les principes de vertu qu’il voulait inspirer à sa fille. Mais plus il avait détruit de réputations, plus il portait d’estime à celles qui restaient intactes. Son orgueil paternel rêvait pour Septimanie une supériotité dont il avait rencontré peu d’exemples : celle d’être à la fois belle, spirituelle, brillante et sage.



III

LA NOVICE


Il y a par règne une ou deux personnes dont on parle toujours et partout. À cette époque les noms de Voltaire et du maréchal de Richelieu dominaient toutes les conversation, soit pour les louer ou les blâmer ; chaque jour un ouvrage de l’un, une action de l’autre, alimentaient la critique ou ajoutaient à l’admiration. Il n’était point de retraite où ne retentit le bruit de leurs succès ; et la supérieure la plus austère, la mère de famille la plus vigilante, employaient vainement leur autorité pour empêcher la lecture du livre défendu, ou le récit de l’histoire scandaleuse. On trouvait chaque jour un volume de Voltaire sous le chevet de quelque novice, et le nom du duc de Richelieu prononcé à voix basse dans les cloîtres trahissait trop souvent la nature des confidences qui s’y faisaient.

Septimanie parlait souvent de son père à ses compagnes, mais son esprit, encore trop jeune pour apprécier les qualités réelles qui le distinguaient, ne vantait que ses agréments frivoles ; c’était, disait-elle, le plus beau, le plus aimable des hommes de la cour, et comme il était parfait pour elle et pour sa tante, elle n’imaginait pas dans son innocence qu’il pût être moins bon envers toute autre femme ; enfin, à force de le vanter avec toute l’exaltation de l’amour et de la vanité filiale,