Page:Nichault - La Comtesse d Egmont.pdf/21

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irait s’exposer à perdre son âme dans ce monde qu’on lui peignait si corrompu, tandis qu’il lui était si facile de faire son salut en imitant le saint dévouement de son amie.

Un jour que son exaltation religieuse était encore augmentée par la pompe d’une grande fête, elle se présenta chez sa tante au sortir de la messe, et la pria de lui accorder un entretien particulier, car elle avait une importante communication à lui faire. L’abbesse, croyant qu’il s’agit d’une permission de sortir, d’une grâce à obtenir pour quelque pensionnaire en pénitence, est bien étonnée d’entendre sa nièce lui déclarer que, convertie par les exhortations qu’elle lui avait si souvent entendu faire à Laurette, et par le bonheur dont celle-ci paraît jouir depuis qu’elle se dispose à faire ses vœux, elle aussi veut être religieuse.

— Vous, religieuse ? s’écrie la sœur du duc de Richelieu ; mais vous n’y pensez pas, mon enfant !

— Oh ! si, ma mère, j’y pense nuit et jour, reprit Septimanie, depuis une semaine… j’avoue qu’avant la conférence que vous avez eue avec Laurette, sur les dangers du monde, sur ce que vous appelez un attachement mondain, ces idées-là ne m’étaient jamais venues à l’esprit ; mais aujourd’hui que je sais, comme vous l’avez dit, que le malheur et l’enfer menacent sans cesse la femme qui s’éloigne de l’asile du Seigneur, je veux rester ici toute ma vie.

— C’est une sainte résolution, ma fille, et dont le ciel vous tiendra compte ; mais vous êtes encore trop jeune pour en connaître l’importance : à quatorze ans on ne peut disposer de sa destinée ; vous devez avant tout vous soumettre aux volontés de votre famille, et votre père ne me pardonnerait pas de vous engager…

— Mon père ne veut que mon bonheur, et dès qu’il m’a confiée à vous…

— Sans doute il veut faire de vous une bonne chrétienne, interrompit l’abbesse avec impatience ; mais on peut faire son salut dans le monde aussi bien que dans un couvent.

Alors l’abbesse, oubliant que ce qu’elle dit est en opposition directe avec ce qu’elle répétait sans cesse à la jeune novice de-