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vant Septimanie, ajoute tout ce qu’elle croit pouvoir détour­ner sa nièce d’un projet qui l’aurait infailliblement brouillée avec son frère ; puis elle va jusqu’à rappeler à Septimanie qu’elle était presque fiancée avec le comte de Gisors ; et lui re­proche de l’oublier, car, dit-elle, le mariage est aussi un sa­crement.

— Ce n’est pas moi qui oublie ! s’écrie Septimanie en pleurant ; mais depuis que le comte Louis a suivi son père à l’ar­mée, a-t-il pensé une seule fois à me faire donner de ses nou­velles ? Ah ! je vois bien que vous avez raison, il n’y a pas de bonheur à espérer dans le monde, où l’on ne rencontre que vanité, trahison, ingratitude ; Dieu seul nous protège et nous aime toujours ; aussi est-ce Dieu seul qu’il faut aimer !

L’abbesse, fort embarrassée d’avoir à réfuter ses propres pa­roles répétées par sa nièce, se retrancha dans l’autorité pater­nelle, qui défendait à Septimanie de se consacrer à Dieu sans savoir ce qu’en penserait son père.

Cette vocation subite, causée par le dépit, n’avait rien d’ef­frayant ; cependant l’abbesse pensa qu’il était prudent d’en ins­truire son frère, et peu de jours après cet entretien, les grilles extérieures du vieux couvent s’ouvrirent pour laisser entrer le carrosse à six chevaux du maréchal de Richelieu.

Dans ses fréquentes visites à l’abbaye du Trésor, il habitait un corps de logis attenant au mur du jardin de la commu­nauté. Son rang, son titre de frère de l’abbesse lui donnaient le droit de pénétrer dans la partie du couvent où logeait sa sœur, et les religieuses le rencontraient souvent dans le jar­din causant avec sa fille et leur abbesse.

Son arrivée à l’abbaye était toujours l’occasion d’une fête : il apportait à Septimanie une quantité de présents, qui étaient bientôt dispersés entre ses compagnes, et des friandises qui servaient à de joyeuses collations. L’abbesse donnait ces jours-là un grand dîner à l’archevêque de Rouen, au directeur de la communauté, et plusieurs religieuses avaient l’honneur d’y être admises, ainsi que les compagnes favorites de mademoi­selle de Richelieu. La jeune novice fut, à la requête de son amie, portée sur la liste des invitées. Septimanie, fière de l’a-