Page:Nichault - La Comtesse d Egmont.pdf/24

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sinistres dits presque involontairement par elle, donnaient quelque inquiétude sur la sincérité de sa vocation ; mais on n’aurait osé en faire la remarque tout haut, tant on craignait qu’elle ne se désistât. Chaque fois que le maréchal venait à l’abbaye, elle tombait dans une sorte de stupeur qui contrastait avec l’agitation générale, car ces jours-là les sœurs redoublaient de soins pour seconder leur abbesse dans la pompeuse réception qu’elle aimait à faire à son frère. C’était un bruit, un mouvement, qui faisaient trêve au silence habituel ; Laurette seule ne prenait aucune part à ces préparatifs ; on aurait cru que l’arrivée de cet hôte dangereux était sans nul intérêt pour elle, si son visage pâli, ses regards brillants et inquiets, n’avaient trahi une émotion de joie et de terreur. Son année de noviciat révolue, Laurette tomba tout à coup très-malade ; elle pria l’abbesse de permettre à Septimanie de venir la soigner, l’abbesse y consentit. Laurette semblait frappée de l’idée qu’elle n’avait plus que peu de moments à vivre.

En entrant dans cette cellule qu’éclairait la faible lueur d’une lampe de nuit, Septimanie fut saisie d’un pressentiment funèbre ; mais il céda bientôt à l’aspect des joues colorées de la malade, de ce regard animé, de ce sourire forcé qu’elle prenait pour les signes certains d’un retour à la santé ! Comment deviner à son âge que l’excès de la souffrance et l’espoir de la mort puissent ainsi embellir un visage !

Elle s’approche de Laurette ; elle l’embrasse, lui parle, mais les yeux fixés sur les siens, Laurette ne répond pas ; elle semble absorbée par un souvenir fatal ; inquiète de ce silence, Septimanie l’appelle en pleurant ; Laurette la serre sur son cœur d’une manière convulsive, puis, se penchant vers le pied de sa couchette, elle lui fait signe de soulever son matelas. Septimanie obéit, et trouve sous ce matelas une grosse clef, qui lui parait être celle d’une porte de jardin ; Laurette s’en empare et la lui remet après avoir regardé si personne ne venait les surprendre ; ensuite, elle essaie en vain de parler, fait des signes que son amie ne peut comprendre ; enfin, après mille efforts qui prouvent assez les affreuses douleurs