Page:Nichault - La Comtesse d Egmont.pdf/25

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dont elle est déchirée, Laurette, serrant la clef dans la main de Septimanie, lui adresse quelques paroles d’un ton suppliant ; mais la contraction qui tient ses dents fortement serrées ne permit d’entendre que ces mots : Dans le puits.

— Tu veux que je jette cette clef dans le puits ? demanda Septimanie, craignant d’avoir mal compris. Un signe de tête lui répond oui ; et presque au même instant, d’horribles convulsions s’emparèrent de Laurette.

À cette vue, Septimanie ouvre précipitamment la porte de la cellule, et demande à grands cris du secours. Toute la communauté arrive ; l’abbesse, frappée de l’état où elle voit la malade, fait aussitôt appeler le médecin et le directeur du couvent ; elle défend à sa nièce de rentrer dans la cellule, elle ne veut point la rendre témoin du malheur qu’elle re­doute. Septimanie murmure de cet ordre ; mais puisqu’elle ne peut la soigner elle-même, elle veut du moins remplir la volonté de son amie ; en cet instant où toute la maison est occupée à secourir Laurette, elle est sûre de n’être vue de personne en se rendant vers le puits du jardin ; elle y jette la clef et revient aussitôt dans le corridor du parloir où toutes les religieuses attendent des nouvelles de la mourante ; ces nouvelles sont de moment en moment plus sinistres ; on craint que l’état convulsif de l’agonisante ne lui permette pas de se confesser avant de succomber, et l’inquiétude pour son salut l’emporte sur toutes les autres ; mais la douceur angélique de Laurette, sa piété, sont les garants de sa béati­tude, comment soupçonner qu’une vie si courte et passée tout entière dans le cloître s’éteigne dans le désespoir et les remords !

Aux exclamations qu’elle entend, aux larmes qu’elle voit répandre, Septimanie devine que son amie est prête d’expi­rer ; alors, n’écoutant que sa douleur, elle s’élance vers la porte de la cellule, et pénètre jusqu’au lit de Laurette ; sa voix, ses cris semblent ranimer la mourante ; elle tourne les yeux vers Septimanie, son regard la questionne, l’an­xiété la plus vive se mêle aux signes de l’affreuse souffrance qui rend ses traits méconnaissables. Septimanie la comprend,