Page:Nichault - La Comtesse d Egmont.pdf/33

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d’horribles convulsions lui arrachaient… j’ai son dernier re gard attaché sur le mien… il me semble qu’il m’appelle… que je dois aller la rejoindre !…

— Calme-toi, mon enfant, dit madame d’Aiguillon frappée de la terreur qui se peint sur le visage de sa nièce ; ne te livre pas à ces sombres idées. Comment se peut-il qu’on l’ait rendue témoin d’un semblable spectacle ? ajoute la vieille duchesse, en s’adressant à madame de Lauraguais.

Mais celle-ci ne l’entend point ; les yeux fixés sur le maréchal, elle contemple avec un mélange d’indignation et de pitié l’accablement profond où cette mort le plonge. On dirait qu’elle devine tout ce qui se passe dans cette âme où le remords triomphe un moment de sa légèreté habituelle… Le secret des fréquentes visites de M. de Richelieu à l’abbaye du Trésor lui est tout à coup révélé… elle a été trahie pour une pensionnaire… Ce double crime a causé la mort de cette Laurette qu’il pleure… elle se sera empoisonnée pour échapper au déshonneur… Toutes ces réflexions assiègent l’esprit de madame de Lauraguais… elle est accablée… le maréchal s’en aperçoit, et reprenant aussitôt son empire sur lui-même, il affecte de ne s’occuper que de l’état de sa fille ; il s’emporte contre madame Desormes, lui reproche de n’avoir pas sauvé à Septimanie l’affreux tableau qui devait terrifier son imagination. Il accuse sa sœur l’abbesse, les religieuses, les prêtres, tous ceux qui assistaient la mourante ; enfin, il se crée un accès de colère pour voiler les sentimens qui le déchirent : puis, quand il a supplié sa tante de ne point quitter Septimanie, de la faire mettre au lit… quand il a conjuré madame de Lauraguais d’avoir pitié de son inquiétude pour sa fille… quand il a ordonné à ses gens d’aller chercher le docteur Vernage… il sort précipitamment… monte dans son carrosse, et dit : À Versailles.