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VI

LA MALADIE


À son retour, apres minuit on lui remet une longue lettre de la duchesse de Lauraguais.

— Ah ! elle a tout deviné, elle veut rompre, pense-t-il, même avant d’avoir ouvert la lettré ; je l’en défie bien… je me sens trop malheureux, trop malade aujourd’hui, pour qu’elle m’abandonne ; elle sentira bien que son attachement m’est indispensable pour me réconcilier avec moi-même ; que je me haïrais trop si elle ne m’aimait plus… et puis il me faut sa présence ; j’ai besoin d’elle pour me distraire de cet affreux souvenir… En vérité, je ne me reconnais plus… je suis d’une faiblesse… cette mort m’a frappé comme si jamais pa reille aventure… j’en suis encore anéanti… je tremble… j’ai froid… je crois que j’ai la fièvre…

En effet, il éprouvait tous les symptômes d’une maladie grave. Cette nouvelle sinistre avait agi sur lui si vivement, que son sang, sa bile, en étaient presque décomposés ; les médecins qui furent appelés déclarèrent que la vie du maréchal n’était pas en danger, mais que la moindre imprudence pouvait faire rentrer l’éruption qui couvrait son visage et son corps, et qu’il fallait le surveiller jour et nuit.

L’âge de la duchesse d’Aiguillon ne lui permettait pas de braver tant de fatigue : Septimanie était trop jeune pour don ner à son père las soins éclairés que cette maladie exigeait. Madame de Lauraguais fit preuve en cette circonstance d’un attachement héroïque pour le due de Richelieu.

Se faisant passer pour être fort souffrante elle-même, elle obtint un long congé de Madame la dauphine dont elle était dame d’atours, et elle vint s’enfermer près de son ami malade. Il ne fallait pas moins qu’un aussi noble dévouement pour consoler M. de Richelieu de se voir ainsi défiguré par une ma-