Page:Nichault - La Comtesse d Egmont.pdf/41

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réchal gagné sur le champ de bataille le placent au rang des premiers de la cour.

— Ah ! mon cher duc ! s’écria madame d’Aiguillon d’une air indigné ; se peut-il que le neveu du cardinal de Richelieu, le mari d’une princesse de la maison de Lorraine, parle ainsi du petit-fils de Fouquet, ce modèle des bourgeois faquins et et des intendants voleurs.

— On n’est pas obligé de ressembler à son grand-père, reprit le maréchal ; et comme il faut souvent opter aujourd’hui entre la naissance et la fortune, chacun choisit ce qui lui manque : si mademoiselle de Richelieu n’avait pour dot que l’héritage de sa noble mère, elle ferait bien de redorer les alérions de l’écusson de Lorraine avec l’or d’un illustre anobli.

— Ce discours me confond, répliqua la vieille duchesse, il est si différent de ce que je vous ai entendu dire, de ce que je vous ai vu faire toute votre vie, qu’il faut qu’un motif puissant vous contraigne à changer ainsi d’idées et de principes.

— Tout cela est fort beau à dire, mais le crédit marche avant tout ; à quoi servent les vieux parchemins dans un temps où toutes les grâces passent par des mains roturières ? où les rois s’humilient devant les financiers ; où Le frère de mademoiselle Poisson règne sur les beaux-arts ; où tant de parvenus se partagent les premières places de l’État. Voyez le sort de ces nobles boudeurs qui, tout fiers de ce que leurs aïeux servaient les amours de François Ier, s’indignent des amours de Louis XV. On les laisse médire à cœur-joie dans leurs vieux châteaux. On retire aux uns leur commandement, aux autres leur charges, leurs pensions à tous. Les fils, les neveux de ces nobles soutiens de la chevalerie vieillissent dans leur grade ; leurs filles se font chanoinesses ; et ils livrent ainsi les emplois et les faveurs de la cour à ceux qui en sont le moins dignes. C’est un sot calcul, et fort contraire aux intérêts de leur cause ; une duperie dont les gens d’esprit se moquent, et qu’on ne me reprochera pas.

— Eh ! qui pense à vous conseiller de fuir la cour, de dédai-