Page:Nichault - La Comtesse d Egmont.pdf/43

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affaires légèrement ; je ne décide rien sans de mûres réflexions ; mais, aussi, quand elles sont faites, je reste toujours de mon avis, et j’agis en conséquence.

— Mais dites-lui donc qu’il est déraisonnable ! reprit madame d’Aiguillon en s’adressant à madame de Lauraguais ; il est impossible que vous trouviez ce mariage convenable… et votre silence lui laisse croire que vous l’approuvez… N’est-ce pas qu’il vous révolte ?

— Je vous avoue, madame, que l’union de deux êtres charmans et qui s’aiment ne me révoltera jamais.

— Des idées romanesques ! voilà bien une autre folie, vraiment.

— J’en sens tout le ridicule, reprit madame de Lauraguais, aussi m’étais-je bien promis de ne point parler ; mais puisque vous me demandez mon avis, vous l’entendrez. J’ai toujours pensé que le maréchal destinait sa fille au comte de Gisors ; car autrement il aurait été imprudent et presque barbare de le laisser venir tous les jours ici pour y rencontrer la jeune personne la plus belle, la mieux élevée, sans prévoir qu’il en deviendrait amoureux et qu’il était trop beau, trop aimable lui-même pour ne pas s’en faire aimer.

— Et vous avez raison, dit le maréchal, l’amour dans le mariage a beau être un objet de luxe, il n’en est pas moins précieux, et puisque ces chers enfants s’aiment…

— Ah ! ah ! ah ! s’écria madame d’Aiguillon, avec un rire moqueur, vous parlez là comme un père d’opéra-comique… Puisque ces chers enfants s’aiment… répéta la douairière, en contrefaisant la voix du maréchal… en vérité ces paroles sont très-divertissantes dans votre bouche ; vous vous embarrasses bien de ce que ces chers enfants pensent ; et si demain le maréchal de Belle-Isle se brouillait avec la marquise, les chers enfants auraient beau jeu ! convenez-en.

— Riez tant qu’il vous plaira, interrompit le maréchal, mais ma première visite à Versailles sera pour ce mariage.

— Heureusement vous n’êtes pas encore assez rétabli pour accomplir cette extravagance ; d’ailleurs vous devez bien quelques égards à votre vieille tante ; et vous l’écouterez