Page:Nichault - La Comtesse d Egmont.pdf/45

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bes laissait prévoir que cette grande charge serait bientôt à la disposition du roi.

Cependant M. de Richelieu ne reparlait plus du mariage de sa fille. Le comte de Gisors, obligé de se rendre à Metz, dont il avait été nommé gouverneur, était parti le cœur rempli d’espoir, attendant le congé que devait lui obtenir son père, pour venir épouser la femme qu’il adorait. Septimanie avait reçu ses adieux d’un air si tendre, elle avait souri avec tant de grâce, en lui parlant de son retour, qu’il la croyait instruite de ce qui était convenu entre leurs parents. Il se trompait ; les paroles de la duchesse d’Aiguillon avaient singulièrement agi sur l’esprit de son neveu. Le gouvernement de Guienne une fois obtenu, le crédit du maréchal de Belle-Isle devenait inu­tile au duc de Richelieu. Dans le découragement où le plongeait sa maladie, lorsqu’il se croyait pour longtemps encore éloigné de la cour, il lui avait paru nécessaire de s’y faire un protecteur, ou plutôt un associé qui eût un double intérêt à le servir. Mais en recouvrant tout à coup sa santé, les bonnes grâces du maître et de la favorite, en obtenant le même jour le plus beau gouvernement de France, et la promesse d’un commandement important, que pouvait-il attendre du maré­chal de Belle-Isle ?

Cette réflexion aurait suffi pour mettre en péril le bonheur du comte Louis et de Septimanie ; la proposition que la du­chesse d’Aiguillon vint faire à son neveu, de la part du comte d’Egmont, acheva de renverser leurs espérances.

Casimir Pignatelli, comte d’Egmont, prince de Clèves et de l’Empire, duc de Gueldres, de Juliers, d’Agrigente et grand d’Espagne de la création de Charles-Quint, enfin, le plus grand seigneur des Pays-Bas, descendait en droite ligne des souve­rains ducs de Gueldres. Il était veuf, sans enfants, de mademoiselle d’Aragon. Sa fortune, très-augmentée par la mort de son frère aîné, le mettait à portée de soutenir convenablement son rang ; il commandait dans notre armée un régiment de son nom. Sa bravoure ne démentait point sa haute naissance ; c’était réunir tout ce qui pouvait contenter, éblouir la vanité du duc de Richelieu ; car malgré l’ingénieuse flatterie de Flé-