Page:Nichault - La Comtesse d Egmont.pdf/46

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chier dans l’oraison funèbre de la nièce du cardinal de Riche­lieu, son nom de Wignerod lui faisait vivement désirer de s’ac­coler à des noms plus illustres, aussi n’hésita-t-il point à pro­mettre la main de sa fille au comte d’Egmont. Il demanda sim­plement le temps de se dégager de la parole vague donnée par lui au maréchal de Belle-Isle ; mais se reposant sur les chances de la vie, qu’il était accoutumée à voir tourner à son avan­tage, il pensa que les événements lui fourniraient bientôt un motif de rupture.

En effet, le roi ayant fait écrire par M. Rouillé, son ministre des affaires étrangères, à M. Fox, ministre d’Angleterre, pour réclamer contre le brigandage commis par la marine anglaise sur nos vaisseaux marchands ; et la réponse de M. Fox n’ayant point satisfait à cette demande, il s’en suivit une déclaration de guerre. Louis XV ordonne d’armer trois fortes escadres et quatre-vingt mille hommes de nos meilleures troupes passent de l’intérieur du royaume sur les rives des deux mers. Un nombre prodigieux de barques, de bâtiments de transport ar­rivent au Havre de toutes parts. Toutes ces démonstrations font répandre le bruit d’une invasion prochaine dans les îles Britanniques.

Le maréchal de Belle-Isle est nommé commandant général des côtes maritimes de l’Océan, depuis Dunkerque jusqu’à Bayonne, et le maréchal de Richelieu a le commandement de toutes celles de la Méditerranée ; celui-ci feint d’être mécontent de sa part ; il accuse le maréchal de Belle-Isle d’avoir intri­gué pour obtenir du roi le commandement des troupes des­tinées à l’expédition d’Angleterre, et fait de cette jalousie de gloire un prétexte pour rompre toutes relations intimes avec son ancien ami.

Le maréchal de Belle-Isle, obligé de se rendre à i’armée, part sans se douter que la froideur de M. de Richelieu en­vers lui soit l’avertissement d’une rupture complète.

Pendant ce temps Septimanie s’abandonnait à tous les ravis­sements de l’espoir. Se promenant seule des heures entières sur la terrasse de son couvent, d’où l’on plane sur tout Paris, ses yeux se portaient alternativement sur l’hôtel de Belle-Isle