Page:Nichault - La Comtesse d Egmont.pdf/47

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et la place Royale, où son père demeurait alors. Elle s’efforçait à deviner ce qui se passait dans ces deux maisons ; le reste de Paris n’existait pas pour elle.

Le comte de Gisors était si joyeux la dernière fois qu’elle l’avait vu… et pourtant il devait partir la nuit même pour Metz… Il fallait qu’il eût bien du bonheur dans l’âme pour n’être pas triste de cette absence… et ce bonheur… elle en savait la cause. Avec qu’elle douce émotion elle se rappelait des mots qui ne voulaient rien dire, si ce n’est qu’une arrière-pensée délirante faisait parler le comte Louis à tort et à travers ; et ce vol du gant blanc qu’elle avait laissé sur la table de jeu pendant qu’elle offrait une carte à sa grand’tante et aux trois autres personnes qui devaient composer le reversi ; elle s’était bien gardée de revendiquer ce gant qu’elle avait vu prendre et cacher aussitôt ; et quand madame Desormes était venue l’avertir que le carrosse l’attendait pour la reconduire au couvent, elle avait entouré son beau bras des bouts de son mantelet de dentelles, pour qu’on ne s’aperçût pas qu’elle avait perdu son gant. C’était presque le donner.

Heureuse enfance de l’amour où tout sert d’aveu !

Le charme de ces souvenirs innocents, ces beaux rêves d’avenir devaient bientôt céder aux regrets et aux larmes.

La duchesse d’Aiguillon arrive un matin chez l’abbesse de Montmartre, accompagnée de la princesse de Marsan, proche parente de la mère de Septimanie ; elles viennent au nom du maréchal faire part à madame de Montmorency du prochain mariage de mademoiselle de Richelieu, et la retirer du couvent.

Septimanie, enchantée de cette nouvelle, fait ses adieux en distribuant à ses compagnes ses livres, ses boîtes à ouvrage, ses bonbonnières, enfin tout son mobilier de jeune personne ; elle promet de bientôt les revoir, ce qui explique pourquoi elle ne pleure point en les quittant.

Quand son père la voit arriver ainsi joyeuse, il lance un regard de reproche à madame d’Aiguillon, qui semble dire :

« Pourquoi m’avoir laissé l’ennui de la désespérer. »

Ce maréchal si courageux à la tête d’une armée ; cet homme