Page:Nichault - La Comtesse d Egmont.pdf/54

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

à la vie, ceux qui gémissent dans les greniers ou les prisons, qui peut trouver à chaque instant l’emploi des vertus dont le ciel l’a doué ! Ah ! je le répète, l’âme avilie qui n’a pas la force de souffrir sa part de peine en ce monde sera l’objet du mépris des hommes et de la colère de Dieu.

En écoutant cet arrêt, Septimanie fondit en larmes.

— Ah ! mon père, s’écria-t-elle, qu’elle horrible confession j’ai à faire ! Et son oppression l’empêcha de continuer.

— Le ciel l’a entendue, dit le prêtre, il voit votre repentir, il vous pardonnera ; mais il faut une longue pénitence pour expier la seule pensée d’un crime semblable ; il faut que plusieurs jours consacrés à la prière vous recommandent à la miséricorde divine.

Alors la pécheresse, renvoyée sans absolution, eut ordre d’attendre dans la chapelle du couvent le retour du directeur ; celui-ci, après avoir passé un quart d’heure au parloir de l’abbesse, revint dire à mademoiselle de Richelieu d’écrire à son père pour lui demander la permission de rester quelques jours à l’abbaye pendant qu’on ferait les apprêts de son mariage. Madame Desormes fut chargée de porter cette lettre et une autre où madame de Montmorency parlait au maréchal de Richelieu de la nécessité de calmer l’esprit de Septimanie, et de l’amener par la religion au sacrifice qu’on lui imposait. Le maréchal se rendit sans peine à cet avis qui devait lui épargner l’aspect le plus pénible, celui des regrets de sa fille, et la détourner d’un projet funeste ; car, malgré son incrédulité pour les moyens extrêmes en pareille circonstance, le souvenir de la princesse de R… lui revenait par fois, et jamais sans qu’une sueur froide couvrit son front ! Pauvre Marie !… s’écriait-il alors… mais c’est moi qu’elle aimait… c’est moi qu’elle a cru mort… Et se croyant seul aussi regrettable, son amour-propre le rassurait…

Septimanie livrée au repentir, à la prière, aux consolations de l’amitié, promit de subir sa destinée sans murmurer, ne demandant à Dieu, pour prix du bonheur de toute sa vie, que de garder un amour sans espoir.