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duc de Bisaccia, grand d’Espagne, etc., etc., et de Henriette-Julie de Durfort Duras[1]. »

Le comte de Gisors tenait encore cette gazette dans sa main, lorsque son valet de chambre entra pour l’habiller, et le trouva la tête renversée sur le dos de son fauteuil et respirant à peine ; le médecin appelé sur-le-champ jugea que c’était un coup de sang ; et après s’être assuré que le comte Louis était à jeun, il le fit saigner. La fièvre se déclara bientôt avec délire. Dans ses accès, le malade ne parlait que de vengeance, de meurtre ; il voulait tuer le comte d’Egmont, le maréchal de Richelieu, Septimanie surtout ; et on le supposait d’autant plus en danger, que la douceur de son caractère était complètement altérée.

À cette fièvre qui dura près d’un mois, succéda un abattement extrême ; le maréchal de Belle-Isle, sachant bien que le sentiment du devoir pourrait seul triompher de cet état de langueur, rappela son fils à l’armée ; et lui persuada qu’un officier distingué ne pouvait sans lâcheté se laisser mourir en temps de guerre.

Après l’avoir ranimé par le point d’honneur, son père ne manqua pas d’avoir recours à ces consolations barbares, qui consistent à prouver que l’objet qu’on pleure n’est pas digne de regrets, puisqu’il ne nous aimait pas.

— Si elle avait eu pour vous, cher Louis, la moitié de l’amour que vous lui portez, répétait sans cesse le maréchal de Belle-Isle, elle aurait bravé la volonté de son père, et ne se serait pas rendue complice d’un tel procédé envers nous. Mais vous connaissez Septimanie, son père lui a plus d’une fois reproché devant moi le prix qu’elle attachait à ses alérions de Lorraine ; et, croyez-moi, elle n’a pas eu grande peine à se résigner à une alliance qui flattait son orgueil.

— Hélas ? c’est possible, répondit Louis. Et son cœur lui disait : — Non, cela n’est pas.

Cette sympathie mystérieuse qui brave tout, cette seconde

  1. Gazette de février 1756.