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vue de l’amour qui ne trompe jamais, lui faisait voir Septimanie en pleurs traînée à l’autel par une autorité suprême ; il contemplait la pâleur de son front, sous les épis étincelants mêlés à sa couronne de roses blanches ; il voyait son sein oppressé soulever péniblement les riches dentelles de sa parure. Sa marche était chancelante, son regard morne disait son désespoir et désarmait la jalousie même : comment lui reprocher l’obéissance dont elle semble prête à mourir ?

Cette vision du cœur était réelle, et elle agissait sur l’âme de Louis en dépit de son ressentiment et des raisonnements de son père. Le vrai est une puissance occulte qui délie toutes les probabilités.


XI

L’INOCULATION


La comtesse d’Egmont, nouvellement présentée à la cour, était l’objet de l’envie et de l’admiration ; jamais on n’avait vu réunies tant de beauté, de grâce et de noblesse ; et ce charme du malheur, joint à l’éclat d’une existence brillante, ajoutait encore à toutes ses séductions.

Rien n’embellit une femme comme un sentiment secret, dont l’objet absent, presque idéal, ne cause nulle crainte. Chacun est tenté de s’attribuer l’émotion dont il ne devine pas la cause ; c’est une sorte d’attraction magnétique ; on y succombe sans le savoir. Mais madame d’Egmont, toute à ses regrets, ne s’apercevait pas des adorations que sa langueur faisait naître. Déjà l’on citait plusieurs victimes de ses beaux yeux, comme on disait alors ; et ses beaux yeux passaient la nuit à verser des larmes !

Son frère, le duc de Fronsac, lui disait :

— Vous qui prêchez si souvent la soumission, vous voyez où elle mène, ma chère Septimanie : mon père n’en est pas beaucoup plus heureux, et vous en serez éternellement à plaindre ; et voilà ce qu’on voudrait obtenir de moi ! non, je ne m’y résoudrai jamais. À l’armée, je suis tout aux ordres